La Convention de la Baie-James et du Nord québécois

La Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) a été ratifiée le 11 novembre 1975 par le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, Hydro-Québec, le Grand Conseil des Cris du Québec et l’Association des Inuits du Nord du Québec. Décrite par plusieurs comme le « premier traité moderne », la CBJNQ a créé un nouveau cadre de référence juridique – et éventuellement constitutionnel – en matière d’autonomie politique, de gestion des terres, de protection du mode de vie cri traditionnel ainsi que de relations entre Québec et les Autochtones de la Baie-James et du Nord du Québec, entre autres choses. Sur les bases de cette convention, la Nation crie a conclu plus de 80 ententes subséquentes définissant son autonomie gouvernementale au sein de ses communautés et de son territoire.

La Paix des Braves

En vertu de cette entente signée le 7 février 2002, tout développement réalisé sur les terres cries ancestrales nécessiterait désormais le consentement explicite et l’engagement direct de la Nation crie. Ainsi, les Cris ne seraient plus simplement des spectateurs du potentiel incroyable de leurs terres, mais plutôt les acteurs principaux de leur développement et les bénéficiaires directs des nouvelles opportunités. La Paix des Braves a non seulement permis d’établir une nouvelle relation entre les Cris et le gouvernement du Québec, mais a également ouvert la voie à un véritable partenariat de gouvernance et de développement à Eeyou Istchee, qui permet aujourd’hui aux familles et aux collectivités locales d’en retirer les fruits, conformément à la vision de la Nation crie.

La Grande Alliance

Le concept de La Grande Alliance a été abordé lors de plusieurs rencontres du Grand Conseil des Cris au fil des ans, de sorte qu’il constitue aujourd’hui un point permanent de l’ordre du jour de chaque séance. Les extraits présentés ci-dessous illustrent que le programme fait l’objet de discussions depuis déjà quelques années. Veuillez noter que les sommaires suivants sont traduits du Cri. Les enregistrements originaux sont accessibles en cliquant sur les liens.

  • Grand Conseil des Cris, séance du 11 décembre 2018

    Grand Conseil des Cris, séance du 11 décembre 2018

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    Dans le cadre d’une rencontre avec le premier ministre François Legault, nouvellement élu, le grand Chef mentionne que la Nation crie désire être considérée comme apte à contribuer à l’économie. Les deux dirigeants ont discuté des lacunes des infrastructures de transport, et du besoin pour les Cris et Québec de s’attaquer à ce problème conjointement et d’explorer comment les Cris peuvent devenir propriétaires des infrastructures, possiblement grâce au soutien financier du gouvernement fédéral. Un Chef déclare qu’il aime l’idée d’infrastructures détenues par la Nation crie et qu’il croit que les Cris doivent prendre les rênes des infrastructures de développement des ressources naturelles plutôt que de demeurer de simples spectateurs.

  • Grand Conseil des Cris, séance du 22 janvier 2019

    Grand Conseil des Cris, séance du 22 janvier 2019

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    Le grand Chef signale que le premier ministre Legault s’est engagé à donner à la Société de développement crie les moyens de s’impliquer dans des projets de développement majeurs ou de mettre ses propres projets sur pied. Il déplore qu’à l’heure actuelle, les décisions relatives à Eeyou Istchee soient prises par des bailleurs de fonds externes et que les Cris soient relégués au rang de simples spectateurs. Il estime que les choses doivent changer. Le grand Chef explique que bien que la Nation crie n’est pas avide de voir davantage de développement hydro-électrique sur son territoire, elle n’est pas pour autant opposée au développement économique de manière générale.

  • Grand Conseil des Cris, séance du 26 mars 2019

    Grand Conseil des Cris, séance du 26 mars 2019

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    Un programme d’infrastructures en partenariat entre la Nation crie et le gouvernement du Québec est mentionné pour la toute première fois. Ce programme serait la prochaine étape de la signature de la Paix des Braves. Le grand Chef explique que bien que les Cris comprennent mieux que quiconque le potentiel de leur territoire et les défis qui y sont associés, ils sont toutefois toujours amenés à réagir en aval des décisions. Au sujet du transport minier, il déclare que deux avenues s’offrent aux Cris : ne rien faire, rester plantés sur le bord de la route et se laisser couvrir de poussière, ou encore se prononcer pour s’assurer que le développement soit coordonné et intégré, et qu’il prenne en considération la Nation crie. Le grand Chef explique qu’il est temps que les Cris détiennent et développent des infrastructures telles que des systèmes ferroviaires, et que le gouvernement fédéral verse des fonds spécifiquement pour aider les Premières Nations à jouer un rôle de premier plan à ce chapitre.

    Certains Chefs soulignent que la Nation crie doit se comporter comme une nation à part entière en matière de gestion et de planification du développement de ses ressources. D’autres Chefs expriment leurs préoccupations quant à l’urgence de paver les routes avant que le trafic minier débute, à l’impact du transport ferroviaire sur les camionneurs cris, et au besoin d’évaluer l’impact du développement sur les activités traditionnelles cries.

  • Grand Conseil des Cris, séance du 28 mai 2019

    Grand Conseil des Cris, séance du 28 mai 2019

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    On rapporte que des tentatives sont faites pour adopter une approche holistique au développement à Eeyou Istchee pour remplacer l’approche fragmentée actuelle, qui n’a fait qu’entraîner chaos et confusion sur le territoire. On explique qu’un développement aussi désorganisé nuit grandement à la capacité des collectivités locales à protéger les terres et la vie sauvage. Au sujet de l’exploitation minière sur le territoire cri, on soulève que les collectivités sont mises devant le fait accompli et ne peuvent que réagir. Un Chef mentionne qu’il est nécessaire que les populations et les gouvernements comprennent les capacités des communautés pour qu’elles profitent des ententes sur les répercussions et les avantages (impact-benefit agreement), de façon à ce que les Cris tirent profit de toutes les formes de développement, et non seulement de l’exploitation minière.

  • Grand Conseil des Cris, séance du 30 juillet 2019

    Grand Conseil des Cris, séance du 30 juillet 2019

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    Le grand Chef explique que le lithium est un minerai très prisé, mais qu’il n’existe actuellement pas de plan d’extraction responsable. Pour permettre son exploitation, des centaines de camions supplémentaires pourraient rouler sur le territoire chaque jour et causer d’importantes perturbations. En l’absence d’un plan de transport concerté, les routes existantes risquent d’être largement endommagées. Il explique également que les infrastructures de transport entraîneront davantage de développement et qu’il faut donc s’assurer qu’elles n’interfèrent pas avec les plans de protection du territoire de la Nation crie. On aborde ensuite la situation du village de Whapmagoostui. Un Chef déclare que des infrastructures de transport durables à long terme y sont requises, sans quoi les problématiques existantes, notamment le logement, ne seront jamais réglées. On donne l’exemple de la communauté d’Eastmain, qui a d’abord été reliée par une route d’hiver. Une approche similaire devrait être considérée pour Whapmagoostui.

  • Assemblée générale annuelle du 7 août 2019

    Assemblée générale annuelle du 7 août 2019

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    Le grand Chef explique que des tentatives d’établissement d’un protocole d’entente avec Québec seront faites pour permettre aux Cris de jouer un rôle de premier plan dans le développement des infrastructures locales. Le grand Chef procède à une présentation sur les infrastructures à Eeyou Istchee. Les Chefs et d’autres participants soulèvent les préoccupations suivantes:

    • Les dommages potentiels causés à la route de la Baie-James si les problématiques liées au transport ne sont pas réglées;
    • Le besoin de réparer les dommages causés par les projets de développement passés avant d’entreprendre de nouveaux projets, et de garantir aux jeunes la possibilité de vivre sur le territoire;
    • La crédibilité de la promesse du leadership de limiter l’exploitation minière à ce que la terre et les habitants peuvent soutenir;
    • L’irritation quant au peu d’efforts déployés pour utiliser l’hydro-électricité ou à la quantité d’eau évacuée par des déversoirs compte tenu de tous les sacrifices consentis par la Nation crie;
    • La nécessité d’assurer que ceux qui souhaitent maintenir leur mode de vie traditionnel reçoivent le soutien nécessaire;
    • L’importance de considérer l’impact des nouveaux projets sur les femmes, tout particulièrement à la lumière du drame des femmes autochtones disparues ou assassinées;
    • La gestion des résidus et des déchets des mines, qui peuvent mettre en péril les sources d’eau; et
    • La nécessité que tous les occupants du territoire soient impliqués en amont de tout projet de développement, puisqu’ils sont les premiers à en ressentir les impacts.

    Le grand Chef déclare qu’il est important que ces questions soient d’abord abordées par la Nation crie, puisque son avenir en dépend. Il affirme que les infrastructures devraient d’abord servir les Cris et que ces derniers devraient être les premiers à en tirer profit. Il estime que les Cris devraient être considérés avant les promoteurs et que c’est à la Nation crie de déterminer ce qu’elle juge acceptable en matière de développement.

    On procède à l’adoption de la résolution 2019-14 sur les infrastructures à Eeyou Istchee, qui peut être consultée ici : (link)

  • Grand Conseil des Cris, séance du 20 novembre 2019

    Grand Conseil des Cris, séance du 20 novembre 2019

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    L’équipe présente une mise à jour concernant les pourparlers avec Québec, notamment des rencontres productives avec les ministres Benoit Charrette (MELCC) sur les zones protégées; François Bonnardel (Transports) sur le rôle central joué par le transport dans le programme d’infrastructures proposé en partenariat entre la Nation crie et le gouvernement du Québec; et Jonatan Julien (MERN) sur le soutien nécessaire pour faire progresser le programme et orienter la discussion sur le développement des ressources naturelles.

    On présente ensuite le rapport sur le programme d’infrastructures proposé en partenariat entre la Nation crie et le gouvernement du Québec. Le programme comprend les éléments suivants :

    • Infrastructures de transport :
      • Réseau ferroviaire
      • Amélioration du réseau routier régional et des routes d’accès aux collectivités
      • Port de haute mer
    • Commercialisation des réseaux de communication
    • Acquisition par les Cris des infrastructures de soutien :
      • Établissements résidentiels
      • Installations de transport aérien
    • Alliances stratégiques pour la distribution de l’énergie
    • Alliance stratégique pour la transformation des métaux critiques au Québec

    Nouveau contenu potentiel:

    • Établissement de nouvelles zones protégées et de mesures de suivi et d’imposition
    • Amélioration de l’accès aux programmes de promotion des activités traditionnelles :
      • Suppression du plafond imposé au programme de sécurité du revenu et octroi de l’administration du programme au gouvernement de la Nation crie
      • Bonification des subventions et des programmes liés aux transports
  • Grand Conseil des Cris, séance du 12 décembre 2019

    Grand Conseil des Cris, séance du 12 décembre 2019

    Visionner l’enregistrement (01:04)

    Le grand Chef Dr Abel Bosum explique que le gouvernement du Québec est en voie d’élaborer une stratégie d’exploitation des métaux critiques et procède actuellement aux consultations. Il déclare que par le passé, les sociétés minières élaboraient leurs projets comme si les Premières Nations n’existaient pas et que l’histoire semble se répéter une fois de plus : des plans sont élaborés pour aller puiser dans le territoire cri sans rien laisser derrière. Le grand Chef explique que si la Nation crie ne réagit pas, l’avenir d’Eeyou Istchee sera décidé par d’autres. Il rappelle que c’est avec la « Vision crie du Plan Nord » que la Nation crie a d’abord demandé d’être impliquée dans la conception des infrastructures et l’orientation des projets de développement. Si le premier ministre en convient, la Nation crie chercherait à conclure un protocole d’entente pour garantir que des fonds sont engagés pour procéder aux études nécessaires avant le lancement de tout projet.

  • Grand Conseil des Cris, séance du 29 janvier 2020

    Grand Conseil des Cris, séance du 29 janvier 2020

    Visionner l’enregistrement (00:37)

    Le grand Chef Dr Abel Bosum déclare que lors de la dernière rencontre avec le premier ministre Legault, il a été expliqué que la Nation crie a augmenté ses capacités et est capable de jouer un rôle central dans le développement des infrastructures. La collaboration entre la Nation crie et Québec à la création d’un programme d’infrastructures constitue donc la prochaine étape naturelle de la relation de nation à nation. Le grand Chef explique que les activités d’exploitation minière à Eeyou Istchee sont actuellement pilotées par des investisseurs externes ou des autorités étrangères, qui peuvent ainsi dicter ce qui se passe sur le territoire des Cris.

    Le grand Chef Bosum a rencontré le premier ministre Legault le 20 décembre pour lui présenter le concept d’un programme d’infrastructures échelonné sur 30 ans qui contribuerait à garantir le rôle de la Nation crie dans la définition de son futur. Le gouvernement fédéral pourrait apporter une aide, tout particulièrement de nature financière, par l’intermédiaire de la Banque de l’infrastructure du Canada, comme ce fut le cas lorsque les Cris du Manitoba ont repris le contrôle de la route ferroviaire entre The Pas et Churchill, au Manitoba. Selon le grand Chef, il est clair que la possibilité existe et que c’est à la Nation crie de l’explorer. Pour ce faire, des études sont nécessaires. Le message qu’il souhaite envoyer au premier ministre est que la Nation crie veut étudier la possibilité de concevoir et de détenir les infrastructures. Le premier ministre a alors insisté sur le développement d’un protocole d’entente pour que la Nation crie et Québec puissent étudier cette possibilité conjointement.

    On explique que le protocole d’entente ne mènerait pas directement à la création de routes ou d’infrastructures de transport, mais qu’il vise plutôt la mise sur pied d’un forum pour que les collectivités locales puissent étudier et définir la nature et l’emplacement de ces infrastructures. Un Chef mentionne que le protocole d’entente ne doit pas être vu comme une concession, mais plutôt comme la mise en œuvre d’un traité et la concrétisation de la relation de nation à nation qui a été promise aux Premières Nations. La relation des Cris avec Québec doit être définie par la collaboration et les outils à sa disposition, plutôt que d’être comparée à la relation d’autres Premières Nations avec le gouvernement.

    Les Chefs et les participants soulèvent quelques questions, notamment :

    • Des préoccupations quant aux dommages causés par les projets de développement aux routes actuellement en voie de réfection;
    • Des préoccupations quant à une interférence possible entre le protocole d’entente et les discussions sur la création du parc national Nibiischii avec Québec et sa gestion par les collectivités locales; et
    • Des préoccupations face à ce plan audacieux qui pourrait créer des emplois et générer beaucoup d’activité à Eeyou Istchee, mais qui demeure incroyablement coûteux.

    Plusieurs Chefs ont exprimé leur accord. Sur proposition du Chef Davey Bobbish appuyée par le Chef Marcel Happyjack, le Conseil a adopté la Résolution en faveur du protocole d’entente, qui peut être consultée ici : (link)